* Article paru sur le blog du Centre Pleine Lune, le 2 juin 2015
Les hôpitaux existent depuis 200 ans. Or, les femmes accouchaient bien avant leur création. Aujourd’hui au Québec, 98% des accouchements se font en milieu hospitalier. La culture médicale s’est imposée comme seule voie dans le domaine de la naissance, et ce, avec une telle autorité que la rupture est totale avec la façon dont nos ancêtres donnaient naissance. C’est pourtant aussi grâce à eux que nous avons survécu, eux qui passaient par ces mêmes processus physiologiques avec leurs ressources, leurs savoirs et leurs connaissances.
Nous nous permettons aujourd’hui de poser des gestes et des interventions de façon routinière, qui interfèrent avec des processus physiologiques complexes riches de milliers d’années d’évolution, même si nous sommes pertinemment conscients de ne pas maîtriser tous les mécanismes en cours, ni toutes les conséquences possibles. Nous ignorons donc une partie de la portée de nos actions, souvent posées sur des accouchements eutociques, avec une telle légèreté, par simple protocole, sans raison précise, ni calcul de risques. Les habitudes sont malheureusement plus faciles à instaurer qu’à changer, même avec de solides preuves scientifiques à l’appui. J’aimerais mentionner que plusieurs interventions sont des découvertes et outils incroyables et qu’elles ont leur place dans certains accouchements difficiles, c’est-à-dire comme plans B. Ce texte se veut cependant une vision du plan A de la naissance.
La force de l’instinct
L’instinct peut être compris de plusieurs façons. Le Petit Robert nous donne la définition suivante : « [f]aculté naturelle de sentir, de pressentir, de deviner[1] ». Celui dont je veux parler est différent, beaucoup moins subtil, plus brut. Il s’agit de cette « [t]endance innée à des actes déterminés, exécutés parfaitement sans expérience préalable et subordonnés à des conditions de milieu[2] ». En d’autres mots, cet instinct est un comportement puissant qui s’exécute sans apprentissage préalable, pourvu qu’on le laisse émerger. C’est bien de celui-ci dont il est question quand Michel Odent nous propose de renouer avec notre côté « mammifère[3] », ceux avec qui nous partageons la majeure partie des étapes de l’accouchement.
L’instinct est directement lié à la présence d’hormones dans le corps, qui ont évoluées selon nos besoins et permis notre survie comme espèce. C’est donc grâce à la sécrétion et à la mise en circulation de ces puissantes substances que l’accouchement physiologique peut avoir lieu. Elles sont de première importance et c’est ce qui explique les précautions de base qu’on applique aux animaux lors de la mise bas : intimité, tranquillité, distractions et spectateurs au minimum, interventions seulement au besoin, le moins d’entraves imposées possibles, respect des positions adoptées, etc. Elles visent à éviter toute perturbation du processus naturel en cours. Malheureusement, ces mesures essentielles traduisant une compréhension, un certain respect et une grande confiance s’appliquent rarement aux femmes dans la majorité des milieux hospitaliers. Pourtant, elles en bénéficient tout autant, pour la simple raison que les hormones du stress sont antagonistes à celles de l’accouchement. Par exemple, l’ocytocine est très puissante et permet les contractions, mais elle est aussi timide, se dissipant à la moindre menace. C’est ce fragile équilibre qui protège tout le processus.
Socialisation
L’humain diffère des autres animaux entre autres par le surdéveloppement de son néocortex, siège de la pensée, de la raison, de la logique, de la rationalité, etc. La socialisation fait aussi appel à cette partie du cerveau et permet l’inhibition des instincts et, ultimement, un contrôle de la société sur le comportement des individus qui la composent. Les conséquences du non-respect de ces codes mènent au jugement, au rejet et à la culpabilité. L’instinct refait tout de même surface lors de certaines situations où les hormones sont fortement présentes : la peur, la sexualité, la grossesse, l’allaitement, l’accouchement, etc. En effet, la naissance étant une expérience corporelle, loin du rationnel, le système endocrinien arrive à la rescousse pour « endormir » le néocortex, grâce à l’affluence d’hormones. Les endorphines soulagent la femme et la font entrer dans un état de conscience altéré, une « bulle hormonale », la rapprochant de son instinct. Plus la femme en travail sera laissée dans « son monde », moins son mental sera sollicité, plus ses ressources hormonales endogènes veilleront sur l’accouchement. Cet « état second » lui permettra une présence à son corps, à ses sensations et à ses besoins profonds. C’est le signe que tout se passe bien et que les bonnes hormones circulent. Elle adoptera alors des positions atypiques, des sons étranges, ainsi qu’un comportement culturellement dérangeant, rendant l’entourage impressionné et parfois inconfortable devant cette femme qui semble devenir « hors-contrôle ».
Le manque de confiance et de respect pour le corps des femmes, celui qu’on a tellement dressé, conquis, contrôlé, critiqué, soumis, agressé, dont on a abusé, souvent au profit des hommes, est enraciné depuis plusieurs siècles et continue de teinter les visions (incluant celles des femmes sur leur propre corps), les approches, ainsi que les interventions médicales. On a convaincu tout le monde qu’accoucher est dangereux, comme s’il s’agissait d’une maladie, ce qui a ouvert la porte à une panoplie d’interventions. La femme qui commence son travail est donc une personne en état de vulnérabilité, face à la possible menace de son propre accouchement. Pourtant, une femme qui se sent en danger, limitée, stressée, apeurée, jugée par ses pairs ou menacée activera son néocortex, tentera de se contrôler et cessera de sécréter les hormones nécessaires à l’accouchement physiologique, suivant le même schème que les autres animaux. Malheureusement, dans les milieux hospitaliers, les protocoles prennent rapidement le pas sur la nature, et on s’adresse alors entièrement à l’être socialisé plutôt qu’au mammifère, discrédité, qui accomplit pourtant l’incroyable tâche de donner naissance.
L’expérience de l’accouchement devient toute autre quand la femme ose croire qu’elle est l’experte d’elle-même, qu’elle seule détient le dictionnaire, qu’elle a tout ce qu’il faut pour mettre au monde son enfant et qu’elle est la seule personne qui puisse le faire, qui sache comment.
Plusieurs femmes adopteront spontanément une position assise en tailleur lors du début du travail. Une fois déconstruite, on se rend compte que cette flexion rotation externe des jambes ouvre le haut du bassin, permettant au bébé de s’engager.
Cette sensation d’être victime se transforme alors en force immense qui la rend active, confiante et l’actrice principale de son propre accouchement, plutôt que le médecin. L’attitude en devient une d’ouverture, plutôt que de fermeture. La clé de l’accouchement physiologique est donc de passer de ce sentiment de vulnérabilité à celui de la force. Puisque le mental peut aider ou nuire et que nos perceptions sont influencées par nos croyances, les femmes gagnent à s’ouvrir à des modèles positifs d’accouchements qui se sont bien déroulés.
Pathologie vs physiologie
Nous vivons dans une société médicalisée qui fait en sorte que dès l’enfance, notre relation avec la maladie en est une de faiblesse. Nous nous en remettons continuellement à plus savant que nous face au moindre inconfort, avant même de nous demander la raison de ce malaise et les possibles solutions. L’expertise de notre propre corps est continuellement extérieure à nous-même, du diagnostic à la prescription. Nous médicalisons la moindre douleur sans jamais se demander ce que nous pourrions faire de celle-ci, encore moins ce qu’elle pourrait nous apprendre, et l’accouchement n’y échappe pas…
Depuis que la médecine s’est appropriée la naissance, l’accent a été mis sur la pathologie de l’accouchement, plutôt que la physiologie, qui devrait pourtant être le point de référence. Bien que l’intensité des sensations d’un accouchement eutocique ne soit pas pathologique, cette douleur est habituellement associée à la maladie, et traitée comme telle. Face à une femme en travail, l’entourage ainsi que le personnel hospitalier se projettent naturellement dans la douleur de la naissance. Le réflexe est donc d’apporter de l’aide par l’élimination de cette douleur à tout prix, ce qui est d’ailleurs une des raisons pour lesquelles l’épidurale est offerte à tout vent, avant même qu’une demande n’ait été faite. Pourtant, une femme qui semble avoir atteint sa limite envoie avant tout un signe qu’elle a épuisé ses ressources, ou qu’elles sont inexistantes. Cette femme a certes besoin d’aide, mais plutôt que d’être limitée et dirigée, elle gagnerait à être accompagnée, d’abord pour calmer l’anxiété, se faire rassurer que tout va bien, qu’elle et son bébé ne sont pas en danger et qu’elle est bien entourée. Plutôt que d’éprouver la douleur qu’elle semble ressentir, ce simple accompagnement peut faire toute la différence entre le sentiment de force et celui de faiblesse de la femme en travail.
En éliminant la douleur (ou en en diminuant le degré), l’analgésie coupe une grande partie des informations que le corps transmet. Cela engendre une dépendance à l’aide extérieure pour nous guider puisque nous sommes d’abord des êtres physiques; le corps est notre premier outil pour comprendre, explorer et expérimenter le monde. Quel est le rôle de la douleur dans un accouchement ? La douleur guide le corps pour accompagner le passage du bébé.
« La douleur est inévitable, la souffrance est facultative. »
– Proverbe bouddhiste
Essayer de trouver en soi un certain espace de bien-être est de première importance et n’est pas toujours synonyme d’absence de douleur. Cette dernière rappelle plutôt l’absence de contact, qui nous coupe à la fois de la douleur, mais aussi du bien-être. Ce n’est donc ni la douleur, ni l’inconfort, ni le malaise qui empêche le bien-être, mais plutôt la souffrance, qui inclut une composante émotive. Ne pas vouloir que la sensation soit présente et y résister diffère d’accepter et d’accueillir sa présence, tout en trouvant des moyens de mieux la tolérer. Amener le mental à relâcher, plutôt que de résister, se répercute sur le physique et permet l’ouverture dont le corps a besoin pour répondre à ces sensations intenses (tensions, étirement maximal des tissus, etc.). Quand la femme a intégré que les sensations et les contractions de l’accouchement sont ses alliées, le douleur est peut-être toujours présente, mais la souffrance diminue alors de beaucoup.
Désirs vs besoins
Nous avons parfois tendance à prendre nos désirs pour des besoins dans plusieurs sphères de la vie. La distinction entre ces deux concepts est cependant extrêmement importante lors de l’accouchement. Les premiers viennent du néocortex, alors que les deuxièmes sont directement liés à l’instinct. Les désirs répondent souvent à un besoin anticipé ou imaginé, et peut parfois ne pas être en lien avec la réalité, le moment venu. Prenons l’exemple du plan de naissance. Son élaboration invite le couple, et la femme en particulier, à se pencher sur ce qui vient et à essayer de mieux de s’y préparer. Cet exercice fait en grande partie appel au néocortex.
Quels éléments doivent être rassemblés pour que le couple et la femme se sentent en confiance?
Où son corps serait-il confortable pour donner naissance ?
De qui aimerait-elle être accompagnée?
Pour qu’une femme plonge dans l’aventure de la naissance, elle doit aussi arriver à entrer en contact avec ses besoins et à les exprimer. Ce processus est facilité lorsque commencé durant la grossesse et en préparation à l’accouchement par le contact avec le corps et le ressenti, qui nous connectent davantage aux besoins qu’aux désirs.
Quel est le besoin/l’information que donne la sensation ?
Comment pourrais-je y répondre ?
Grâce au contact que la femme aura établi avec elle-même, avec ce qui se passe dans son corps, avec ses besoins, ses désirs répondront éventuellement de plus en plus à ses besoins; ils deviendront une seule et même chose. En d’autres mots, plus elle répondra à ses besoins, plus ses désirs concorderont. L’instinct est le fait de laisser monter le mouvement spontané, sans le filtre du désir, amenant un contact direct avec le besoin profond. Il sera alors plus aisé d’accompagner son corps en toute conscience plutôt que de souhaiter ne plus le sentir. Par exemple, le désir peut être l’élimination de la douleur, mais le besoin correspondant peut être la gestion de celle-ci par le mouvement. Au moment de l’accouchement, pour qu’elle puisse entrer en contact avec ses besoins et y répondre, elle doit être pleinement disponible à son corps et à ce qui s’y passe, ce qui ne sera possible que si elle se sent en confiance.
Favoriser le contact
La préparation que le couple aura faite pour l’accouchement teintera de beaucoup la façon dont ils accueilleront l’événement. Plus la femme sera rassurée sur ce qui se passe dans son corps, plus ses sensations seront normalisées et plus elle aura le courage de plonger dans celles-ci avec confiance. Une fois en travail, on peut lui rappeler que les contractions sont des alliées qui aident au processus plutôt que des ennemies redoutables. Lui rappeler que, pour être efficace, la sensation doit atteindre un sommet, devenir très forte, parfois envahissante et que le corps a besoin de passer par là pour avancer, mais qu’après avoir pris toute la place, la vague repart invariablement. Et que plus elle se laisse traverser par cette puissance, moins elle résiste, mieux son travail avancera. Trouver quelques mots à répéter inlassablement, pour la rassurer, répondre à la peur, et lui donner confiance, surtout dans les moments où le doute ressurgit, comme lors de la phase de transition. Nommer ce qui va bien, parler du chemin parcouru, de la force qu’elle démontre.
« Tout va bien. »
Pour favoriser une présence au corps, il importe d’abord de viser à apaiser le mental par un certain bien-être. La cascade hormonale arrivera par la suite en renfort pour maintenir cet état. L’environnement doit être sécurisant pour les sens : une attention particulière peut être portée à la température, aux sons, à l’odeur, à l’éclairage. La femme doit retrouver un environnement qui lui ressemble, qui la rend confortable, surtout si elle n’est pas à domicile. Elle se sentira alors davantage « chez-elle », plutôt qu’« en visite », ce qui l’encouragera à délaisser le socialement correct, pour faire place à son instinct. Encourager ses rituels et parfois même y participer avec elle sera très sécurisant. La respiration est une autre excellente façon de ramener dans le corps et de se reposer entre les contractions. Il est possible, par exemple, lorsqu’il y a agitation de simplement inviter à un rythme respiratoire plus calme, avec des mots ou par notre propre respiration. On peut suggérer à la femme d’expirer dans sa douleur, ce qui amènera un relâchement de la zone tendue.
Cette « bulle » créée aura aussi besoin d’être nourrie, renouvelée et actualisée lorsque le temps deviendra long. Un entourage en qui elle a totalement confiance (néocortex de substitution !), qui sait se mettre en retrait tout en étant disponible et qui lui offre une attention vigilante, augmentera son sentiment de sécurité et sa capacité à lâcher prise. L’intimité et la proximité avec le conjoint peut être très rassurante, en plus d’encourager la sécrétion hormonale.
« Je suis là, je reste avec toi.»
Tout ce qui est calculé ou intellectualisé active le néocortex et inhibe l’instinct : explications laborieuses, horloge, calcul de la progression du travail, etc. Pour éviter cela, il est possible, par exemple, de remplacer la notion de temps par celle du rythme des contractions. Cette approche la gardera connectée à son corps. Il sera aussi préférable d’utiliser le moins de mots possible pour entrer en contact avec la femme et que ceux-ci soit simples, clairs et faciles à comprendre et à intégrer sans réflexion. Encore mieux, utiliser des mots que la femme a elle-même employés. Le silence est aussi une bonne façon d’offrir un espace pour exprimer ce qu’elle ressent. Le sentiment de sécurité étant crucial, il est nécessaire pour la femme d’accueillir et de nommer ses peurs (de l’inconnu, de la maladie, de la mort, etc.) pour les déconstruire et finalement accéder à son instinct et être pleinement présente à elle-même.
Le corps comme outil
L’instinct est intimement lié aux sensations physiques. Pour favoriser l’éveil de cette partie oubliée, plusieurs approches corporelles sont possibles parce qu’elles permettent le contact plutôt que l’analyse, la réflexion, le doute, l’anticipation ou la mise en place de mécanismes de défense. Nous savons que le corps atteint l’émotion, mais que celle-ci se manifeste aussi dans le corps. C’est la raison pour laquelle il est important d’apprivoiser la peur de l’accouchement et toutes les autres qui en découlent pour en libérer le physique.
Le corps et ses sensations sont les outils les plus importants de la femme en travail qui vise un accouchement physiologique. Tout d’abord, parce que la naissance est une expérience avant tout corporelle; le corps en est le lieu, l’outil et le guide. Il importe donc d’écouter tout ce qu’il a à nous dire pour bien l’accompagner. Il est intéressant de commencer dès la fin de la grossesse à apprivoiser les sensations, le langage et les besoins du corps pour mieux faire équipe avec son bébé. La conscience corporelle peut être encouragée par diverses approches (mobilisations, étirements, mouvements, positions, suspensions, massage, pressions, etc.) qui favorisent le contact avec le corps, puisqu’il s’agit là du meilleur moyen de favoriser l’autonomie et l’implication de la femme. Les sensations extrêmes de l’accouchement sont d’abord une invitation pour elle à entrer dans son corps, à diriger son attention sur ce qui est en train de se passer. Plus sa présence et son écoute à elle-même seront grandes, moins le corps aura besoin de produire en intensité de la douleur ou des malaises pour la guider.
« Si elle résiste, peu importe où est la source de résistance dans son corps, ses émotions ou sa tête, la douleur ressentie sera à la mesure de sa résistance! »
– Isabelle Brabant
À partir de là, les sensations continuent de donner toutes les informations nécessaires à la femme prête à les écouter, les suivre, à se laisser guider. C’est ainsi qu’elle cherchera à s’accommoder avec les contractions utérines et les sensations du passage de son bébé. Ce contact profond participera aussi au sentiment de faire équipe avec son enfant. Elle cherchera alors des moyens d’aider le processus en cours et de répondre à ses sensations physiques, afin de se soulager, ce qui, par la même occasion, diminuera les blocages. Ceci sera confirmé par la précieuse rétroaction que donne continuellement le corps.
C’est lorsque la femme se sent bien accompagnée, qu’elle devient davantage disposée à elle-même, à accompagner son corps à son tour et son bébé. La présence physique d’une autre personne est parfois très rassurante, c’est pourquoi il est important de toujours avertir la femme lors de l’absence de contact prolongée. Le toucher (pressions, frottement, caresses, chaleur, etc.) peut aider la femme à rester dans ses sensations physiques, en plus de la soulager (à la zone sacro-iliaque, par exemple). Pour encourager la femme à être présente à son corps, nous devons aussi l’être au nôtre. Le toucher qu’on offre doit être agréable à donner, autrement, il sera désagréable à recevoir. La qualité de l’accompagnement est donc directement proportionnelle au confort de la personne présente. Lorsque le toucher n’est plus fait avec écoute, confiance et empreint d’un certain bien-être, mieux vaut passer le relais et aller refaire ses forces. Autrement, ce contact pourrait transmettre une sensation désagréable et envahissante pour la femme, puisque si son malaise éveille le nôtre, le nôtre peut aussi éveiller le sien.
Demander à la femme de s’exprimer sur ce qu’elle vit, mais aussi sur ce qu’elle sent, en lui laissant l’espace, en reprenant ses mots, permet de renforcer le contact à son corps et aussi de lui donner un certain recul. Lui demander de nommer la sensation avec une certaine précision, son intensité (sur 10) et l’endroit où elle est située. Cette approche permet d’appuyer sur « pause » pour écouter un peu plus ce que le corps a à dire.
« Quel genre de pression ? »
« Quelle est l’intensité ? »
« Où ça se passe dans ton corps ? »
Lui demander de refaire le même exercice un peu plus tard permettra à la femme d’évaluer l’évolution, de prendre conscience de la transformation, du mouvement, des sensations qui changent et du travail qui avance afin de mieux accueillir ce qui viendra. Accepter de regarder, contacter et accueillir la douleur et trouver des trucs concrets pour la transformer, avec l’aide de l’entourage au besoin, permet à la femme de tendre vers encore plus d’autonomie. Demander de l’aide est par ailleurs une très grande preuve autonomie.
« Que vas-tu faire avec cette sensation? »
Comme démontré par Hodnett, la satisfaction globale d’une femme par rapport à son accouchement n’est pas en lien direct avec le soulagement de la douleur, mais plutôt avec le soutien reçu et l’implication de la femme[4]. Cela présente la naissance comme une opportunité de croissance plutôt que comme un moment dangereux. Les hormones de l’accouchement, outre de veiller au bon déroulement du travail, ont aussi la fonction de favoriser l’attachement, entre autres grâce au peak ocytocique, permettant de « tomber en amour » avec son bébé, ce qui facilitera toutes les étapes subséquentes. La parentalité ne commence donc pas seulement après l’accouchement, mais bien pendant, et même avant. En effet, la fierté et la confiance en soi d’avoir su faire équipe avec son corps et son bébé, de la conception à la naissance, sont des ressources inestimables et puissantes pour la vie.
RÉFÉRENCES
Sites Internet :
BUCKLEY, Sarah. « Pain in labour your hormones are your helpers », « Epidurals risks and concerns for mother and baby », Sarah Buckley – Medical Doctor. [http://sarahbuckley.com/] (Mai 2015).
LAHAYE, Marie-Hélène. « Quand les femmes enceintes sont moins respectées que les guenons », Marie accouche là. [http://marieaccouchela.blog.lemonde.fr/] (Mai 2015).
ODENT, Michel. « The physiological reference », Womb Ecology. [http://www.wombecology.com/] (Mai 2015).
Livres et études :
BRABANT, Isabelle. 1987. Ne touchez pas à ma douleur! Lune à l’autre, hiver 1987 vol.4 no.1. Éditeur naissance-renaissance.
CALAIS-GERMAIN, Blandine. 2009. Bouger en accouchant. Éditions Désiris.
RIVARD, Andrée. 2014. Histoire de l’accouchement dans un Québec moderne. Les Éditions du remue-ménage.
HODNETT, Ellen D. et al. « Continuous support for women during childbirth », Cochrane Database of Systematic Reviews,, 2013.
ROBERT, Paul. 1996. Le nouveau petit Robert. p.1187.
Conférences et formations :
BONAPACE, Julie. Méthode Bonapace -Accoucher en confiance. Avril 2015, UQTR, Trois-Rivières.
BOUCHARD, Mireille. Shiatsu thérapeutique, niveau II. 2005-2008, Institut Gujek, Montréal.
TRELAÜN, Maïtie et Fabien ROUSSEL. Sommet de la Naissance. Mai 2015.
[1] ROBERT, Paul. 1996. « Instinct », Le nouveau petit Robert. p.1187.
[2] Ibid.
[3] Michel ODENT. « The physiological reference », Womb Ecology [http://www.wombecology.com/] (Mai 2015).
[4] HODNETT, Ellen D. et al. « Continuous support for women during childbirth », Cochrane Database of Systematic Reviews,, 2013.